Florence HAUTDIDIER

 

COORDINATRICE RÉGIONALE PROGRAMME ATOUTS NUMÉRIQUES POUR L’ENE

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#PARCOURS PRO

Je m’appelle Florence Hautdidier, j’ai 46 ans et je ne suis pas du tout digital native ! J’ai un parcours initial mi scientifique, mi littéraire car j’ai fait une maitrise d’histoire après mon bac scientifique. J’ai ensuite travaillé pendant 10 ans dans la documentation et la science de l’information.

Mes premiers pas dans le numérique en tant qu’outil a été la mise en place d’outils documentaires comme des intranets en entreprises, pour que les utilisateurs accèdent le mieux possible à l’information.

Après m’être reformée au CNAM pour travailler dans l’ingénierie d’outils documentaires, je suis arrivée à l’ENE.

L’ENE, C’EST QUOI EXACTEMENT ?

L’ENE (Espace Numérique Entreprises) est une association qui a été créée il y a 15 ans, et qui a pour mission d’accompagner les TPE (Très Petites Entreprises) et les PME (Petites et Moyennes Entreprises) dans leur découverte du numérique et dans la mise en œuvre de projets. Aujourd’hui on est 15 salariés. L’ENE a été créée dans le cadre du Grand Lyon, par 4 membres fondateurs qui sont la Chambre des métiers, la CCI, le Medef et la CPME. C’est l’une des seules initiatives françaises où ils ont réussi à être tous les quatre réunis pour porter une même initiative. On est essentiellement financés par les pouvoirs publics.

CE QUI M’AVAIT ATTIRÉ DANS CE QUI FAISAIT L’ENE, C’ÉTAIT DE FAIRE EN SORTE QUE LE NUMÉRIQUE SOIT ACCESSIBLE ET QU’IL PROFITE AUX PLUS PETITS, CAR CE SONT DES CIBLES QUI N’INTÉRESSENT PAS LES CONSULTANTS EN STRATÉGIE DIGITALE.

Aujourd’hui, le numérique est partout. La question qui se pose à présent : comment on fait en sorte que nous puissions tous vivre avec le numérique ? Auparavant on se demandait si l’intelligence artificielle allait tous nous faire disparaître. Maintenant on est d’accord sur le fait que l’homme aura toujours avoir sa place, que l’homme et les machines seront complémentaires. Ce que j’ai tout de suite aimé à l’ENE, c’est le côté « le numérique pour la veuve et l’orphelin » (rires). On a bien sûr dans la région de très belles PME qui sont en capacité de mener de magnifiques projets numériques. Mais elles ne sont pas toujours à même de pouvoir identifier les projets sur lesquels elles peuvent aller, ou de mobiliser tous les financements nécessaires.

J’ai également pas mal travaillé sur la mise en place d’outils de travail collaboratif et j’ai planché sur des expérimentations pour aider les petites entreprises à tester le télétravail, à la fois par un accompagnement sur la mise à disposition d’outils numériques pour qu’elles les expérimentent pendant quelques mois, et de l’accompagnement plus organisationnel (RH et juridique) pour qu’elles soient dans les bonnes conditions pour le faire.

Depuis maintenant 7 ans, j’ai un rôle de coordinatrice régionale de programmes vraiment dédiés aux TPE. En fait, je suis une sorte d’interface entre les financements régionaux, les relais locaux et les technologies. Et mon rôle, en dehors de trouver des financements pour tout le monde, c’est de coordonner l’ingénierie de contenus pour sensibiliser les TPE au numérique. C’est dans ce but qu’on fait, par exemple, des vidéos témoignages, et des vidéos pédagogiques d’une minute pour leur expliquer qu’est-ce que le très haut débit, qu’est-ce que la CRM, etc…

Je coordonne 41 conseillers sur la région ; ils ne sont pas salariés de l’ENE mais de chambres des métiers, de CCI, ou d’associations comme l’ENE ou comme le Moulin Digital. Ils vont accompagner les TPE dans leurs projets, à la fois avec un accompagnement personnalisé et un accompagnement collectif. C’est très intéressant de chercher à identifier où placer le bon curseur dans l’accompagnement de projets. Ce n’est pas nécessairement le web qui va être l’outil à privilégier de manière immédiate. Par exemple quand on a un artisan qui n’a pas de logiciel de devis et de factures, on va plutôt privilégier ça plutôt qu’un site web dans un premier temps, parce que ça va pérenniser l’entreprise avant qu’elle puisse communiquer.

COMMENT LES ENTREPRISES ONT-ELLES CONNAISSANCE DE VOS SERVICES ?

On a l’avantage d’avoir un capital marque fort qui s’appelle « Atouts Numériques » et ça fait maintenant 7 ans qu’il existe. Il y a aussi beaucoup de bouche à oreilles, les entreprises se refilent les bons tuyaux !

GRÂCE AUX FINANCEMENTS DE LA RÉGION ET DE L’EUROPE, ON EST EN MESURE DE PROPOSER UN ACCOMPAGNEMENT NUMÉRIQUE DE 14 À 28 HEURES GRATUITEMENT AUX ENTREPRISES.

Nous proposons aussi aux entreprises des événements comme « Connecte ton commerce » qui se déroulera au mois de novembre. Il s’agit d’une demi-journée où on amène les commerçants du Grand Lyon à s’interroger sur les outils numériques qu’ils vont pouvoir mettre en place.

Mon challenge, c’est de mettre énormément d’humain dans ce type d’événements pour que la technicité de l’outil numérique ne soit pas un frein. Souvent, les dirigeants des PME sont réticents car ils disent qu’ils n’y connaissent rien, ou ils ont peur que ce changement leur coûte une fortune. Lors de « Connecte ton commerce » par exemple, il va y avoir une plénière puis des moments d’échanges où les participants vont pouvoir échanger avec des commerçants ayant déjà mis en place des outils numériques, autour d’un café.

LE BILAN AU BOUT DE 7 ANS ?

Il est très positif ! Les entreprises plébiscitent à la fois la technicité de nos conseillers mais également leur sens de l’écoute. L’accompagnement personnalisé, c’est magique pour une petite entreprise car ils ont quelqu’un qui ne leur tient pas la main ; l’objectif ce n’est pas de faire les choses à leur place mais les amener à devenir autonomes. Pour eux, pouvoir parler presque d’égal à égal avec un prestataire, c’est vraiment un plus !

On a aussi mis en place une hotline sur le « très haut débit » pour que ceux qui ont besoin d’aide pour comprendre ce que raconte un opérateur puissent nous appeler. Le coté interentreprises est également un succès ; pour les dirigeants d’entreprises, pouvoir échanger avec leurs pairs sur la thématique du numérique est fondamental.

Et pour autant, on a encore énormément à faire. On accompagne 500 entreprises par an, mais c’est une goutte d’eau par rapport au nombre de TPE qu’il y a en région Auvergne Rhône-Alpes. La sensibilisation est quand même beaucoup plus facile pour quelqu’un qui es digital native, ou pour celui qui a déjà fait un premier pas, que pour celui qui n’identifie pas, par exemple, que ses clients vont avoir le réflexe de prendre leur téléphone portable pour chercher un camping.

AU FINAL, C’EST SOUVENT CEUX QUI SONT TRÈS ÉLOIGNÉS DU NUMÉRIQUE QUI VONT VENIR VERS NOUS EN DERNIER.

Il est intéressant de voir que l’âge n’est pas nécessairement un critère d’appréhension du numérique. On a des gens très jeunes et très réticents au numérique, et des gens qui sont plus âgés, mais plus à l’aise. Par exemple au Digital Summit, on a croisé des chefs d’entreprises de plus de 55 ans qui en étaient déjà à leur deuxième ou troisième site web. Ce n’est pas juste une question d’âge mais aussi de sensibilité. Un des principaux freins qu’on rencontre, c’est que ça prend beaucoup de temps. J’ai été marquée par un ébéniste qui disait que, s’il écoutait tous les conseils qu’on lui donnait, le digital c’était 80% de son temps. Mais lui, ce qu’il aimait, c’était le contact du bois.

ET LA PLACE DES FEMMES LÀ DEDANS ?

La chance qu’on a en travaillant avec des TPE, c’est qu’on a autant de femmes que d’hommes parmi nos interlocuteurs. C’est même souvent Madame qui s’occupe de la gestion de l’entreprise et de sa communication. Il y a aussi des femmes qui ont leur propre entreprise et qui s’intéressent au numérique.

Là où on a aussi beaucoup de femmes, c’est au niveau des stagiaires en communication. Pour moi l’un de nos enjeux aussi de leur donner un attrait à des postes qui ne sont pas du web ou de la communication digitale. Le numérique ça peut être énormément d’autres choses, et souvent, quand il s’agit d’aller vers la technique et vers la conduite du changement, les femmes ne vont pas y aller naturellement parce qu’elles ont peur qu’on leur demande une expertise technique qu’elles n’ont pas. L’industrie reste quand même très masculine, alors si on rajoute en plus la couche technique numérique, il y a très peu de volontaires.

En fait, certains interlocuteurs cherchent vraiment l’expertise en face d’eux. Par exemple sur la hotline « très haut débit » que je coordonne, certaines personnes ne peuvent parler qu’avec ceux qui ont le même langage qu’eux. Et évidemment les femmes sont moins présentes.

EN CONCLUSION ?

Je suis à 100% en accord avec les actions de LDigital pour inviter les femmes à se former y compris techniquement, car cette base technique rencontrera leur sensibilité à faire en sorte que l’humain garde sa place dans un monde qui se numérise.  Ne pas nécessairement mettre la technique avant tout peut-être un réel atout. Quand on est trop dans la technique, on réfléchit aux solutions immédiates au lieu d’examiner le sujet dans sa globalité. Il ne faut pas avoir peur d’être polyvalentes, car le numérique n’est pas que de la technique !

Clémence Thieulin

Angela Blachère

Lyon, le 17 octobre 2019